Son sommeil, souffle une à une les bougies de sa conscience, déleste
chaque membre de sa concorde, chaque muscle obéit à son appel, sombre à
son souhait. Lentement, sa nuit échancre son jour. Ce cavaleur exalté,
comblé de jouissance, maître tailleur des vies disparates, éphémères,
inestimables, condensé par son nombre de vies incalculables et dilaté
par toutes, s’assombrit au cycle immuable qui l’accapare inexorablement,
se dilue, disparaît dans des linceuls noirs. Elle plonge consentante,
dans le tourbillon sillonné d’une symphonie d’images vivantes. Ses peurs
aveugles surgissent comme des fantômes appelés par ses cris
inconscients. Elle se débat et déchire les paillettes d’un rêve. S’ouvre
en quatre et déploie des gerbes ailées, telle la Harpie. Elle s’envole
pour des mondes féeriques, accrochés aux murs d’un univers
aristotélicien. Dévaste les ciels superposés en arcs-en-ciel. Déplace
les tombes fleuries de mille couleurs inconnues, pour créer une immense
croix, sur une terre vert pomme. Enserre de jeunes enfants, joyeux
d’évoluer dans un espace jamais conquis, toujours rêvé, enfin à portée
de mains, et les jette d’une hauteur qui n’a pas de dimension, sur des
pierres de marbre noirs étoilés. Sa nuit est une cabale qui la dévore
où, juste au moment de basculer inévitablement, les filets d’un rêve
inattendu, la retient, in extremis. Ses paupières s’ouvrent. Impatients,
ses yeux brillent de reconnaître la réalité. Ils tâtonnent sur des
ombres allongées, distordues, ignorées. Ils cherchent un point d’appui,
un repère. Une pointe de diamant perce, l’une d’elle. Se défroisse
instantanément un paysage grandiose, envahit de pierres précieuses aux
reflets éblouissants. Ses yeux s’écarquillent, ses paupières tremblent.
Cette beauté est un incendie qui se propage sur son corps. Elle ressent
une vibration, une énergie, une onde océaniale déferle, lui naît des
ailes en forme de vague. Comblée, elle prend son envole sur la crête
d’une falaise. Son appui est le vent, son désir est l’océan, son plaisir
les mille feux des vaguelettes. Rien ne peut l’arrêter. Elle
s’engloutie, s’enivre, et brusquement se réveille. La plaie de la nuit
se referme, le jour s’épanche, elle s’enlève du monde irréelle, plus
forte, plus inépuisable, et attend fébrile, une prochaine nuit, un
énième sommeil, pour aborder un ixième jour, sereine et épanouie.  

Sur une idée de Alana, texte de ©Max-Louis MARCETTEAU 2007