Jeudi 19 octobre
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- Qu'il est doux, quand du soir l'étoile solitaire,
- Précédant de la nuit le char silencieux,
- S'élève lentement dans la voûte des cieux,
- Et que l'ombre et le jour se disputent la terre,
- Qu'il est doux de porter ses pas religieux
- Dans le fond du vallon, vers ce temple rustique
- Dont la mousse a couvert le modeste portique,
- Mais où le ciel encor parle à des coeurs pieux !
- Salut, bois consacré ! Salut, champ funéraire,
- Des tombeaux du village humble dépositaire ;
- Je bénis en passant tes simples monuments.
- Malheur à qui des morts profane la poussière !
- J'ai fléchi le genou devant leur humble pierre,
- Et la nef a reçu mes pas retentissants.
- Quelle nuit ! quel silence ! au fond du sanctuaire
- A peine on aperçoit la tremblante lumière
- De la lampe qui brûle auprès des saints autels.
- Seule elle luit encor, quand l'univers sommeille :
- Emblème consolant de la bonté qui veille
- Pour recueillir ici les soupirs des mortels.
- Avançons. Aucun bruit n'a frappé mon oreille ;
- Le parvis frémit seul sous mes pas mesurés ;
- Du sanctuaire enfin j'ai franchi les degrés.
- Murs sacrés, saints autels ! je suis seul, et mon âme
- Peut verser devant vous ses douleurs et sa flamme,
- Et confier au ciel des accents ignorés,
- Que lui seul connaîtra, que vous seuls entendrez.
- Mais quoi ! de ces autels j'ose approcher sans crainte !
- J'ose apporter, grand Dieu, dans cette auguste enceinte
- Un coeur encor brûlant de douleur et d'amour !
- Et je ne tremble pas que ta majesté sainte
- Ne venge le respect qu'on doit à son séjour !
- Non : je ne rougis plus du feu qui me consume :
- L'amour est innocent quand la vertu l'allume.
- Aussi pur que l'objet à qui je l'ai juré,
- Le mien brûle mon coeur, mais c'est d'un feu sacré ;
- La constance l'honore et le malheur l'épure.
- Je l'ai dit à la terre, à toute la nature ;
- Devant tes saints autels je l'ai dit sans effroi :
- J'oserais, Dieu puissant, la nommer devant toi.
- Oui, malgré la terreur que ton temple m'inspire,
- Ma bouche a murmuré tout bas le nom d'Elvire ;
- Et ce nom répété de tombeaux en tombeaux,
- Comme l'accent plaintif d'une ombre qui soupire,
- De l'enceinte funèbre a troublé le repos.
- Adieu, froids monuments ! adieu, saintes demeures !
- Deux fois l'écho nocturne a répété les heures,
- Depuis que devant vous mes larmes ont coulé :
- Le ciel a vu ces pleurs, et je sors consolé.
- Peut-être au même instant, sur un autre rivage,
- Elvire veille ainsi, seule avec mon image,
- Et dans un temple obscur, les yeux baignés de pleurs
- Vient aux autels déserts confier ses douleurs.
- Alphonse De Lamartine
Par alana
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Publié dans : alana
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