Jeudi 19 octobre
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- En vain le jour succède au jour,
- Ils glissent sans laisser de trace ;
- Dans mon âme rien ne t'efface,
- Ô dernier songe de l'amour !
- Je vois mes rapides années
- S'accumuler derrière moi,
- Comme le chêne autour de soi
- Voit tomber ses feuilles fanées.
- Mon front est blanchi par le temps ;
- Mon sang refroidi coule à peine,
- Semblable à cette onde qu'enchaîne
- Le souffle glacé des autans.
- Mais ta jeune et brillante image,
- Que le regret vient embellir,
- Dans mon sein ne saurait vieillir
- Comme l'âme, elle n'a point d'âge.
- Non, tu n'as pas quitté mes yeux;
- Et quand mon regard solitaire
- Cessa de te voir sur la terre,
- Soudain je te vis dans les cieux.
- Là, tu m'apparais telle encore
- Que tu fus à ce dernier jour,
- Quand vers ton céleste séjour
- Tu t'envolas avec l'aurore.
- Ta pure et touchante beauté
- Dans les cieux même t'a suivie ;
- Tes yeux, où s'éteignait la vie,
- Rayonnent d'immortalité !
- Du zéphyr l'amoureuse haleine
- Soulève encor tes longs cheveux ;
- Sur ton sein leurs flots onduleux
- Retombent en tresses d'ébène,
- L'ombre de ce voile incertain
- Adoucit encor ton image,
- Comme l'aube qui se dégage
- Des derniers voiles du matin.
- Du soleil la céleste flamme
- Avec les jours revient et fuit ;
- Mais mon amour n'a pas de nuit,
- Et tu luis toujours sur mon âme.
- C'est toi que j'entends, que je vois,
- Dans le désert, dans le nuage;
- L'onde réfléchit ton image;
- Le zéphyr m'apporte ta voix.
- Tandis que la terre sommeille,
- Si j'entends le vent soupirer,
- Je crois t'entendre murmurer
- Des mots sacrés à mon oreille.
- Si j'admire ces feux épars
- Qui des nuits parsèment le voile,
- Je crois te voir dans chaque étoile
- Qui plaît le plus à mes regards.
- Et si le souffle du zéphyr
- M'enivre du parfum des fleurs.
- Dans ses plus suaves odeurs
- C'est ton souffle que je respire.
- C'est ta main qui sèche mes pleurs,
- Quand je vais, triste et solitaire,
- Répandre en secret ma prière
- Près des autels consolateurs.
- Quand je dors, tu veilles dans l'ombre ;
- Tes ailes reposent sur moi ;
- Tous mes songes viennent de toi,
- Doux comme le regard d'une ombre.
- Pendant mon sommeil, si ta main
- De mes jours déliait la trame,
- Céleste moitié de mon âme,
- J'irais m'éveiller dans ton sein !
- Comme deux rayons de l'aurore,
- Comme deux soupirs confondus,
- Nos deux âmes ne forment plus
- Qu'une âme, et je soupire encore !
- Alphonse De Lamartine
Par alana
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Publié dans : alana
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