N’être plus qu’un lieu vide sans consistance ni matière, sans substance ni chair. Un lieu d’errance où chaque pas se perd en poussière avant même de se poser pour se disperser dans l’air, sans résonance, ni trace. Sombre règne de la nuit où l’on plonge, s’enferme, se calfeutre pour tenter de se préserver d’un monde que l’on ne saisit plus et qui s’éloigne dans une agitation lointaine et sourde. N’en percevoir que les murmures et n’en rien retenir. S’être perdu dans un ailleurs impalpable sans pesanteur, sans aspiration, sans respiration. Détaché.

Mais être là encore. Si peu pourtant. En suspension et trembler. Trembler de froid de tout son corps incontrôlable, sous le règne d’un vent froid d’hiver pénétrant et glacial. Serrement de dents. Trembler de peur de se voir ainsi suspendu à un fil, livré au moindre coups de vent, impuissant, au bord du basculement, juste au bord et à bout de souffle, vide de sens.

S’être tant absenté de soi, s’être tant oublié que le corps à l’abandon hurle ses douleurs. Le prier de se taire. Demander son silence comme le salut, comme une délivrance. N’être plus qu’une ombre, l’ombre de soi-même.

Puis un jour revenir lentement sur le chemin de soi, y reposer ses pas après une longue absence, un jour au ciel clair presque blanc où le soleil laiteux tente de percer sous le voile des nuages…